J’ai écrit dans un texte « autobiographique »[1] daté de 1992 :
« Tante[2] Mbarka[3] est une parente de Smali[4]. Il l’appelle larja[5] parce qu’elle a une malformation. […]
Elle a réveillé Amalou[6] et Taghbaloute[7] pour l’accompagner comme ils le font presque tous les matins, à l’étable et la regarder traire la vache[8] en lui demandant sans cesse, de laisser téter le veau. »
C’était une parente aimante qui venait souvent nous voir.
Sa venue me remplissait de joie et m’égayait.
J’avais de l’affection et de l’amour pour elle.
J’aimais ses traits,[9] son rire, ses expressions, le ton de sa voix.
Parfois, lorsqu’elle parlait de ma mère,[10] elle finissait par des larmes.
Elle me devenait alors encore plus précieuse.
L’un de ses petits fils, mon neveu, enseignant universitaire et journaliste a écrit[11] à son sujet :
« Ma grand-mère paternelle était une femme forte et brave, d’un caractère hors du commun. Sans elle, je serais sans doute dans quelque montagne du Moyen Atlas,[12] derrière quelque troupeau de chèvres. […]
Le 21 octobre 1987[13] à midi moins dix, ma grand-mère paternelle rend l’âme à Mabella,[14] après une courte maladie au cours de laquelle sa belle-fille[15] avait fait preuve d’une bravoure inoubliable. C’est ma mère qui, pendant plus d’un mois, prenait soin d’elle, la lavait tous les jours, restait à son chevet nuit et jour et, parfois, dormait de fatigue près de sa tête.
La dernière phrase de ma grand-mère était destinée à son fils : « Tu seras maudit autant de fois que tous les grains de sable de la terre si, un jour, tu maltraites cette femme ou si tu lui manques de respect. » Elle jette un dernier regard sur ma mère, et une larme a coulé sur ses joues déjà mortes. »
Qu’Allah lui accorde Sa Miséricorde et nous réunisse au Paradis Suprême.[16]
BOUAZZA
[1] Intitulé « Ainsi parle un Musulman de France né au Maroc ».
[2] Je l’appelais affectueusement ‘ammti (tante paternelle) ou ‘ammti Mbarka l’rja. Elle n’était pas la sœur de mon père, mais un membre de la famille élargie, originaire de la même région que lui. Elle était la seule je crois à pouvoir lui faire des reproches devant nous.
[3] Moubaaraka (bénie).
[4] Désigne mon père dans le texte. Un homme des Sma’la, de la région de Ouadzm (oued-zem) au Mghrib (Maroc).
[5] L’rja, la boiteuse.
[6] L’ombre en langue Tamazighte (Berbère). C’est le prénom que je me suis donné dans le texte.
[7] La source en langue Tamazighte. C’est le prénom que j’ai donné à ma sœur, plus jeune que moi dans le texte (elle était en fait de huit ans mon aînée. Elle a rejoint l’au-delà en 1970, à l’âge de vingt-huit ans).
[8] C’était lorsque nous habitions à Lkhmissate (Khemisset). Nous avions deux vaches et ma sœur était chargée de les traire.
[9] Il m’arrivait peut-être de voir une certaine tristesse qui émanait de son regard, sans toutefois pouvoir en saisir les raisons ni savoir comment en parler. Plus tard, j’ai appris qu’elle a eu un enfant et a été abandonnée par le père de cet enfant. Son seul enfant. Elle n’a jamais eu de mari par la suite. Sa propre sœur qui a accepté de l’héberger avec elle, s’est proclamée « mère » à sa place et lui a imposé d’oublier sa maternité. Cette situation a duré jusqu’au décès de la sœur. Le fils était déjà marié, père de plusieurs enfants et elle grand-mère. Pour moi, rien d’autre ne peut expliquer la tristesse qui émanait de son regard.
[10] Lorsque mon père a décidé de divorcer de ma mère et de garder les enfants, je devais avoir trois ans.
[11] Dans un texte du 11 décembre 2006, sur un « blog » qu’il tenait.
[12] Au Maroc (Mghrib).
[13] Je n’étais pas là-bas, au Mghrib (le « r » roulé), mais ici, en France.
[14] Un quartier dans la ville de Rabat (Rbate), au Maroc (Mghrib).
[15] Ma sœur de deux ans mon aînée.
[16] Alfirdaws Ala’laa.
Voir :
http://raho.over-blog.com/
http://paruredelapiete.blogspot.com/
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