mercredi 3 mars 2010

VOYAGE EN FRANCE

Au temps du sultanat de Mohammad Ben ‘Abd Arrahmane,[1] un représentant du mkhzn,[2] Idriss Al’amraoui,[3]a été envoyé en mission en France,[4] auprès de Napoléon III.[5]
Après cette mission, il a rédigé un texte[6] qui a été intitulé dans la traduction en français « Le paradis des femmes et l’enfer des chevaux ».[7]
En allant, par train, de Marseille à Paris, la délégation est arrivée à Auxerre où elle a vu « un jeune homme de belle apparence et d’allure élégante, les cheveux et les yeux noirs ; sa physionomie respirait l’agrément et l’amabilité, et l’on eût dit un Arabe. Comme nous n’avions pas aperçu un seul beau visage depuis que nous avions posé le pied au pays des chrétiens, ce jeune homme attira le regard de tous mes compagnons, qui me demandèrent de composer à son sujet une petite pièce de circonstance, pour se divertir. J’improvisai donc le ghazal[8] suivant :
J’ai vu un gazelon à la porte d’Auxerre,
Chassant les cœurs avec l’arc de ses yeux.
Il m’a touché d’un trait silencieux
Et de mon cœur a fait son prisonnier de guerre.
Mes compagnons, demandez lui, sans jeu,
A quoi vivre désormais, sans ma vie, me sert ? »[9]
[…] Lorsque nous fûmes arrivés à Paris et que nous eûmes un entretien avec le ministre, celui-ci nous dit que l’interprète lui avait montré ce poème composé sur le nom d’Auxerre en m’en faisant compliment […].[10]
Napoléon III a fini par recevoir la délégation à Saint-Cloud[11] et ce représentant du mkhzn a fait savoir que le sultan va s’employer à mettre fin aux « comportements irresponsables » de ceux[12] qui visent à « compromettre les relations entre les deux États ».



[1] Mohammad Ibn ‘Abd Arrahmane, dit Mohammed IV (1859-1873).
[2] Makhzen, terme utilisé au Mghrib (Maroc) pour désigner le pouvoir que s’attribue le sultanat et qui, depuis « l’indépendance dans l’interdépendance » désigne l’« État ».
[3] Les « r » roulés.
[4] Délégation envoyée en 1860 selon le calendrier dit Grégorien (1276 d’après le calendrier musulman), au cours d’une période où l’État français qui occupait déjà l’Algérie et autres territoires d’Afrique, ne cachait pas ses visées colonialistes sur le Maroc et soulignait des tensions dites de « frontières » entre les deux pays, la France considérant que l’Algérie c’est la France !
[5] Louis Napoléon Bonaparte, d’abord président de la République (1848) puis Empereur (1852-1870).
[6] Édité à Fas (Fès) en 1909 sous un titre en Arabe qui n’a rien à voir avec le titre de la traduction française.
[7] Titre emprunté à l’expression de l’Egyptien Attahtawi, « Paris, paradis des femmes et enfer des chevaux ».
[8] Mot souvent traduit par « poème d’amour » dont le thème en général est l’amour d’une femme.
[9] Texte qui illustre l’esprit de pédérastie de personnes qui ne voyaient pas de contradiction avec le fait de se dire « musulmanes ».
Les personnes de ce genre, et en pire, sont légion dans les pays dits « musulmans ».
[10] Idriss Al’amraoui, Le paradis des femmes et l’enfer des chevaux, éditions de l’aube, 1992, p.24.
[11] Actuellement, commune dans le département des Hauts-de-Seine (92) de la région Île-de-France (région parisienne).
La délégation est restée 42 jours à Paris.
[12] Les Résistants contre le colonialisme que la France désigne comme responsables des tensions dites de « frontières ». Le Maroc finira par connaître la domination du colonialisme qui protégera le sultanat et en fera une « monarchie héréditaire de droit divin ».
Voir :
http://raho.over-blog.com/
http://paruredelapiete.blogspot.com/

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